La Laque de Garance : histoire, chimie et usages d’un pigment rouge

La laque de garance

La petite  histoire de la laque de garance

Définition de la laque de garance

La laque de garance est un pigment rouge organique obtenu à partir de la racine de la garance des teinturiers (Rubia tinctorum). Dans le vocabulaire pictural, une laque est une matière colorante organique initialement soluble, rendue insoluble via la précipitation sur un substrat inerte (alun, argile, etc.). Ce procédé permet de l’employer comme pigment en peinture, aquarelle ou encre. Un pigment souvent transparent, lumineux et utilisé notamment en glacis.

Illustration suggérée : vue en gros plan d’un pigment de laque de garance (image 1 – poudre extraite et séchée).

Origine et datation de la laque de garance 

  • Les racines de garance sont datées depuis l’Égypte antique (± 1500 av. J.-C.), utilisées pour teindre tissus et comme pigment dans les tombes pharaoniques (Wikipédia, Morrow Archival).
  • Les Grecs et Romains l’employèrent aussi, tant en textile qu’en art décoratif (Wikipédia, Wikipédia).
  • Au Moyen Âge, elle apparaît dans les enluminures ; à partir de la Renaissance, elle devient courante comme pigment pour la peinture.
  • Au XIXᵉ siècle, la France (notamment le Vaucluse) en devient un producteur phare. Toutefois, l’isolement de l’alizarine (1826) et sa synthèse (1868) ont conduit au déclin des laques naturelles (The Eclectic Light Company, Morrow Archival).

Illustration suggérée : reproduction d’un drapé rouge ou élément pictural (par exemple, un détail du “Girl with a Wine Glass” de Vermeer ou un drapé d’Époque baroque, image 4 offre ce type d’effet).

 

Culture de la garance

  • Plante vivace, la garance des teinturiers (famille des Rubiacées), requiert 3 à 5 ans de culture
    la garance
    Laque de grance

    pour que les racines accumulent suffisamment de colorants (Wikipédia).

  • Les racines sont récoltées à l’automne, nettoyées, séchées, puis broyées pour libérer les colorants.
  • La préparation nécessite un sol profond, ameubli, avec des pratiques culturales spécifiques (sarclage, préparation du sol) (Wikipédia).

 

Constitution chimique

Les racines contiennent des anthraquinones :

  • Alizarine (C₁₄H₈O₄) – principale molécule rouge.
  • Purpurine – isomère avec tonalité violette.
  • Munjistine, rubiadine – pigments satellites fournissant des nuances ÿ.
    La synthèse de l’alizarine en 1868 par Graebe et Liebermann a marqué une avancée majeure dans la chimie des colorants (The Eclectic Light Company, Morrow Archival).

Fabrication du pigment Garance 

  1. Extraction : décoction des racines.
  2. Précipitation : colorants fixés via un mordant sur un substrat minéral (lake).
  3. Séchage et broyage : obtention de la poudre pigmentaire.

Le produit final est un pigment transparent, lumineux, parfait pour les glacis en peinture.

Utilisation artistique

  • Très utilisé pour glacis, carnations, et effets de transparence en peinture à l’huile et aquarelle.garance, laque de garance
  • Artistes tels que Delacroix, Turner, Vermeer l’ont largement employé, par exemple Vermeer l’a utilisé en glacis sur vermillon pour intensifier les rouges de ses drapés (“Girl with a Wine Glass” notamment) (Morrow Archival, Wikipédia, essentialvermeer.com, drypigment.net).
  • Limite majeure : fugacité. L’exposition à la lumière diminue l’intensité chromatique, comme observé sur plusieurs tableaux anciens (The Eclectic Light Company, drypigment.net).

 

 

Usages industriels et beaux-arts

  • Textile : colorant majeur, célèbre pour les uniformes rouges français du XIXᵉ siècle (les « la Garance pour la laque de garance pantalons garance »).
  • Beaux-arts : aujourd’hui, la garance naturelle est rare. Les produits appelés « laque de garance » sont principalement faits d’alizarine synthétique ou de pigments organiques modernes (quinacridones, perylenes) pour mieux résister à la lumière (drypigment.net, Morrow Archival).

 

Conclusion

La laque de garance incarne la convergence entre botanique, chimie et art. Issue d’un savoir ancestral, elle a enrichi la palette picturale jusqu’à l’avènement des pigments synthétiques. Bien que fragile, son éclat naturel demeure une étape essentielle dans l’histoire des couleurs.

 

Bibliographie

  • Ball, P. Bright Earth: The Invention of Colour (2001)
  • Berrie, B. H. Artists’ Pigments… Volume 4 (2007)
  • Cardon, D. Le Monde des teintures naturelles (2003)
  • Eastaugh N. et al., Pigment Compendium (2008)
  • Gettens R. J. & Stout G. L., Painting Materials… (1966)
  • Kirby J. et al., Natural Colorants… (2007)
  • Kühn, H., “Alizarin and Madder Lake Pigments” in Artists’ Pigments… Volume 1 (1986)
  • Schweppe, H., Handbuch der Naturfarbstoffe (1981)

 

Pour aller plus loin avec la laque de garance

  • National Gallery of Art – Artists’ Pigments (PDFs)
  • WebExhibits – Pigments through the Ages (database pédagogique)
  • ColourLex – Madder Lake (analyses détaillées, spectres, exemples) (ColourLex)
  • C2RMF – Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France

 

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