Cours : les blancs de plomb, d'argent, de zinc et de titane

Parmi les pigments blancs utilisés par les artistes, les blancs de plomb, de zinc et de titane peuvent être considérés comme les trois pigments majeurs. Le blanc de plomb, employé depuis l’antiquité, fut le seul pigment blanc important utilisé par les peintres jusqu’à la moitié du 19e siècle. A partir de 1834, il fut remplacé progressivement par un pigment non toxique, le blanc de zinc. Enfin, le blanc de titane s’imposa vers 1920.

1. Le blanc de plomb

Le classique blanc de plomb (appelé également céruse, bien qu’il s’agisse dans ce cas d’un mélange de blanc de plomb et de craie) est un carbonate basique de plomb: 2 PbCO3 . Pb(OH)2. Si au moyen-âge, on mettait en garde contre les dangers que comportait la manufacture du blanc de plomb, ce ne fut qu’au XVIIIe siècle que des mesures de protection permettant d’atténuer les effets nocifs du plomb furent adoptées. En 1780, le premier essai d’introduction du blanc de zinc fut tenté dans le but de préserver la santé des travailleurs. Cependant, l’énorme différence de coût entre l’oxyde de zinc et le blanc de plomb a permis à ce dernier pigment de s’imposer encore pendant plusieurs décennies. Le blanc de plomb, appelé aussi blanc d’argent, fabriqué à base de Céruse a été interdit dans le batiment en 1908 et dans les années 2000, pour la peinture d’art.
L’utilisation considérable du blanc de plomb se comprend aisément puisque ce composé était utilisé non seulement comme pigment mais intervenait aussi dans la couche de préparation et dans l’imprimitura. L’imprimitura était utilisée dans certaines écoles de peintures du 13e au 17e siècle, c’est une couche intermédiaire située entre la couche de préparation et la couche picturale. Généralement striée, elle est souvent utilisée pour structurer et donner une certaine animation à la couche picturale.
A côté de ses nombreuses affinités avec les différents liants, le blanc de plomb offre aussi des propriétés intéressantes. Ce pigment présente un indice de réfraction élevé et son pouvoir couvrant est donc important. De plus, il n’est pas affecté par la lumière. Il faut cependant signaler que les traces de sulfure d’hydrogène présent dans l’atmosphère entraînent le noircissement du blanc de plomb notamment dans les aquarelles. Ce phénomène ne se rencontre pas dans les peintures où ce pigment se trouve mélangé à l’huile et est de plus protégé par un vernis.

2. Le blanc de zinc

Le blanc de zinc ou oxyde de zinc (ZnO) apparaît dans la nature sous forme d’un minerai rouge contenant beaucoup d’impuretés (notamment le manganèse qui lui donne sa couleur) et est donc sous cette forme inutilisable comme pigment. Il est connu depuis l’antiquité, utilisé sous la forme d’une poudre blanche par les alchimistes et employé en médecine comme anti-inflammatoire mais il n’a pas été utilisé comme pigment avant la fin du 18e siècle. Les premiers essais furent rapportés par Guyton de Morveau en 1782. Celui-ci insistait sur la non toxicité de l’oxyde de zinc et en préconisait sa substitution au blanc de plomb. Cependant, le blanc de zinc ne fut pas employé par les artistes avant le deuxième quart du 19e siècle. La cause en est l’énorme différence de coût entre ces deux pigments blancs. En effet, le blanc de plomb se négociait quatre fois moins cher que le blanc de zinc. Les méthodes de production du métal ne permettaient pas de produire le pigment en grande quantité et il fallut attendre le début du 19e siècle pour qu’une amélioration technique permette la fabrication et la commercialisation effective du blanc de zinc. A côté du coût élevé de ce pigment, d’autres désavantages lui étaient également reprochés. Les premiers essais du blanc de zinc avec un liant huileux révélèrent un mauvais séchage ainsi qu’un faible pouvoir couvrant.
C’est en 1834, que la maison Winsor and Newton de Londres commercialisa le blanc de zinc sous l’appellation blanc de Chine, présenté comme le meilleur blanc permanent pour les couleurs à l’eau. Par la suite, en France, Leclaire réussit à produire un blanc de zinc à liant huileux présentant un pouvoir couvrant convenable ainsi que de meilleures qualités de séchage par adjonction de siccatifs tel le litharge (monoxyde de plomb). La production industrielle de ce pigment commença en 1845 près de Paris, suivie de peu par le reste de l’Europe ainsi que par les Etats-Unis.
C’est un blanc très pur, mais peu opaque. Les principales objections à l’encontre du blanc de zinc étaient son temps de séchage trop long provoquant l’apparition de films cassants, son opacité réduite ainsi que son ton froid. C’est pourquoi, l’oxyde de zinc n’était pas considéré par les Impressionnistes comme un blanc pur mais plutôt comme un agent permettant d’éclaircir les autres couleurs. Cette manière de procéder se vérifie par exemple chez Pissaro ou Manet; par contre Van Gogh a utilisé de grandes quantités de blanc de zinc dans ses oeuvres.
Ce pigment présente cependant une qualité importante. Le blanc de zinc garde sa blancheur originale non seulement dans l’aquarelle mais aussi dans la peinture à l’huile. Si on compare le blanc de zinc avec le blanc de plomb et de titane, il s’avère qu’il est le pigment blanc présentant la plus faible tendance à jaunir…

3. Le blanc de titane

Le blanc de titane ou dioxyde de titane (TiO2 ) se présente sous deux formes cristallines différentes, l’anatase et le rutile.
Le dioxyde de titane fut appelé ilménite après la découverte à Ilmen (Russie) d’importants gisements de minerai de titane et de fer à la fin du 18e siècle. A la même époque, le dioxyde de titane était également séparé d’un minerai rouge, le rutile et nommé terre titanique. Il fallut attendre le début du 20e siècle pour que l’utilisation de cet oxyde comme pigment blanc soit envisagée.
Le blanc de titane possède de nombreuses qualités ce qui a permis à ce pigment de s’imposer rapidement sur la palette des artistes. Ce pigment est extrêmement stable chimiquement et n’est pas affecté par la chaleur ni par la lumière ou le sulfure d’hydrogène. De même, il ne réagit pas avec les solvants organiques ni avec les liants. Il possède aussi un indice de réfraction le plus élevé de tous les pigments blancs impliquant un pouvoir couvrant très grand. Cette propriété a permis à ce pigment d’être préféré aux autres pigments blancs malgré son coût assez élevé. Le blanc de titane peut être utilisé avec des liants aqueux, des émulsions acryliques (dans lesquelles les blancs de plomb et de zinc ne sont pas stables) ou encore avec des liants huileux.
Le blanc de titane absorbe fortement les rayons ultraviolets et est actif photochimiquement. Ceci peut induire des réactions chimiques, surtout avec la forme anatase, entraînant des réactions de dégradation comme le farinage, le jaunissement ou le craquèlement du liant.

En conclusion,

On peut dire que le blanc de plomb a joué un rôle important dans l’histoire des pigments puisque jusqu’à la première moitié du 19e siècle, il était le pigment blanc le plus employé par les peintres.
Aujourd’hui méfiez-vous des « pseudos » blanc d’argent ou de plomb que l’on vous vend dans le commerce. Ceux-ci ne sont souvent qu’un mélange de blanc de zinc et de blanc de titane. Si vous voulez vraiment retrouver le blanc d’argent, il en existe encore, chez certains spécialistes, vérifiez avant tout qu’il est bien à base de céruse, il doit avoir aussi un logo tête de mort sur son emballage. Et ne soyez pas étonné si on vous demande une pièce d’identité (obligation légale).
Autrement utilisez le blanc de zinc pour vos mélanges, et le blanc de titane quand vous voulez un beau blanc pure.
J’ai pu noter aussi, que le blanc de titane dans la catégorie extra-fin était souvent plus pur que dans les catégories fines et études.
 
 
 

Bibliographie :
Thèse de Jacqueline Couvert(2001),

11 thoughts on “Cours : les blancs de plomb, d'argent, de zinc et de titane

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  3. Le mien des magasins, je lui ai demandé un medium pour lui, il a tenté de me refiler, un medium acrylique en me disant que c’etait la même chose.
    Des baffes , je vous le dit il merite des baffes
    Julia

    1. En Belgique, Blocx produit du vrai blanc de plomb en pigment. D’ailleurs, sa fluorescence aux UV est différente d’un mélange titane-zinc. Pour les couleurs déjà mélangées, je ne garantis rien, mais en pigments purs ils sont pas mal.

  4. Si on compare avec le blanc de titane, le blanc de zinc permet de blanchir une teinte plus finement.
    Il me semble avoir lu que le blanc de zinc permettrait de protéger les toiles grâce à sa toxicité. Vrai ?

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